Dans cet épisode du podcast The Storyline, on s’envole vers un univers qui sent le chanvre, mais aussi un peu le souffre. Chloé Perrot, cofondatrice de Slow, exerce aussi depuis des années le métier de plume. Elle nous emmène dans son univers, entre communication politique et marketing.
Le parcours de Chloé est en effet peu commun. Longtemps plume à l’Elysée, entre rédaction de discours et éléments de langage, elle a décidé de changer de cap, et de se lancer dans l'entrepreneuriat. Elle a ainsi créé sa marque d’infusions à base de CBD, relaxantes et 100% naturelles, surfant sur ce nouveau marché.
Elle évoque au micro de The Storyline son expérience de l’écriture et du métier de plume dans un cabinet ministériel. Mais aussi, ce qu’elle en a tiré pour créer un storytelling de marque authentique et riche. Le tout, en sirotant une infusion Slow, bien sûr !
Diplômée de Sciences Po Paris et de la London School of Economics, Chloé commence sa carrière pro en Angleterre. Elle est néanmoins vite appelée à revenir dans l’Hexagone, après un appel de l’Elysée (rien que ça !). Nous sommes en 2010, et c’est le conseiller de la culture du président d’alors, Nicolas Sarkozy, qui lui propose de rejoindre son cabinet suite à la recommandation d’un professeur. Le métier qu’on lui offre d’exercer, c’est celui de plume.
Elle y passera 1 an et demi, en tant que chargée de mission et des relations presse. Concrètement, son travail consiste donc à aider le ministre, mais aussi le président, dans leurs prises de parole. Elle rédige ainsi des discours, des éléments de langage, des courriers ou même des hommages qui sont prononcés par le président !
Après la déroute des élections de 2012, Cholé quitte le cabinet, pour écrire auprès d’un député ministrable pour la culture. Son objectif est désormais d’en faire une personnalité incontournable de ce milieu. Elle lui fait rencontrer les bonnes personnes, mettre en forme ses idées. Elle lui en donne aussi quelques-unes, notamment pour l’aider dans la rédaction des projets de lois…
L’élection de Macron en 2017 change énormément la donne, faisant exploser les anciens partis. Chloé participe alors à la création d’un groupe parlementaire pour les personnalités de droite « Macron-compatibles », comme elle les appelle. Elle écrit cette fois-ci pour des parlementaires avec une dimension plus politique, et sur des sujets plus vastes que la culture.
Mais finalement, le processus d’écriture et de communication politique reste sensiblement le même – il est surtout propre à chaque plume.
Pour Chloé, et quel que soit le sujet abordé (des 600 ans de la naissance de Jeanne d’Arc à l’inauguration de la FIAC), le but est toujours d’écrire un discours qui porte. Un bon discours doit toujours être chargé d’émotions, et faire usage du storytelling.
Au-delà de la méthode, c’est le style et le parti pris éditorial qui comptent ! Chloé se rappelle ainsi d’une anecdote particulière qui illustre ce fait. Pour l’anniversaire de Jeanne d’Arc, Henri Guaino propose ainsi un texte donnant à l’auditeur l’impression de se trouver en plein milieu d’une bataille. Tandis que son chef de cabinet, plus rationnel, insiste sur les leçons à en tirer, et les politiques culturelles qui peuvent en découler. Deux approches différentes qui montrent la complexité et le relief de la communication politique.
Comment Cholé est-elle passée de la sphère politique à la communication d’une marque ? C’est aussi un sujet sur lequel nous nous arrêtons au cours de l’interview.
Ce qu’elle retient en fil rouge de sa transition depuis le métier de plume politique, c’est avant tout par le storytelling. Certains élus ont par exemple parfaitement compris la nécessité de porter une vision très claire du monde qu’ils proposent. Cette clarté, mais aussi cette propension à en appeler aux émotions et non pas uniquement à la raison, est aussi ce qui fait aujourd’hui le succès des marques.
En politique comme en marketing, selon Chloé, il ne faut donc pas avoir peur du côté « spectacle ». Au contraire, plus la communication est radicale et engagée, plus les audiences sont susceptibles d’y adhérer. Une impulsion venue d’outre-Atlantique, et qui se révèle très efficace pour faire passer des idées et convaincre via les émotions. Ces apprentissages, Cholé a voulu les mobiliser sur la scène de l’entrepreneuriat. Avec sa marque, elle ne souhaitait pas développer un produit, mais créer un mouvement : la slow life. A travers ce concept, elle continue ainsi de porter un message politique et réconcilie deux intérêts demandés par ses consommateurs. À savoir, un produit pas cher, mais fabriqué dans des conditions éthiques…
Pour créer l’univers de Slow, Chloé s’est nourrie de plusieurs influences rencontrées lors de son métier de plume. Pendant le premier confinement, des livres sur l’oisiveté et la paresse occupent les étagères de sa bibliothèque. Elle s’inspire également de l’initiative d’un sénateur qui voulait créer une politique publique du sommeil.
Comme beaucoup des entrepreneurs qui ont témoigné dans The Storyline, l’authenticité du branding de Slow découle avant tout de l’alignement des besoins de sa fondatrice, avec ceux de son buyer persona. Chloé se sent elle-même épuisée. Elle a l’impression de courir dans tous les sens, et de subir la pression de tous les côtés.
C’est ce qui lui donne l’idée de proposer non pas un produit, mais une expérience. Une pause, pendant laquelle on peut faire infuser ses plantes, et recharger ses batteries avant de repartir dans la course. Un moment où l’on peut refuser l’injonction à être productif.ve. Des valeurs qu’elle fait également infuser dans son modèle de production. Slow n’utilise que des plantes biologiques, made in France, et la mise en sachet est réalisée par des personnes en situation de handicap.
Elle consolide également l’univers de sa marque en le co-construisant avec des experts dans des secteurs connexes au sien. Elle invite ainsi sur son blog et son compte Instagram des naturopathes, dessinateurs ou professeurs de yoga qui viennent partager leurs conseils pour ralentir, se détendre et être plus ancré au quotidien !
Un autre défi qu’a relevé haut la main Chloé est celui de se faire une place non seulement dans le monde de l’entreprise. Mais surtout dans un secteur en plein boom, et ne disposant pas toujours d’une bonne image auprès des consommateurs. Si le CBD convainc de plus en plus de consommateurs, l’univers qui l’entoure reste suspect pour beaucoup. D’où l’importance de créer une marque à la fois safe et transparente, notamment en travaillant avec une pharmacienne. C’est d’ailleurs tout l’enjeu de la création d’une plateforme de marque solide et de pratiquer un marketing responsable.
Le CBD, c’est aussi un secteur très concurrentiel, dans lequel une boutique ouvre ses portes tous les deux jours. Pour se différencier, Slow diversifie ses recettes. Dans ses infusions, on retrouve ainsi 40% de chanvre, aux bienfaits relaxants et anti douleurs, et 60% d’autres plantes issues de l’herboristerie traditionnelle.
Elle rassure également des clients en quête de slow life, mais qui se méfient un peu du CBD, avec ses packaging très colorés. Son objectif : faire en sorte que ses infusions trônent fièrement dans leur cuisine. Elle met également en avant ses clients et leurs avis, via Trustpilot et en partageant leur contenu sur les réseaux sociaux. Cette approche, dite d’UGC (User Generated Content), marche extrêmement bien - et vite. Par ailleurs, elle mise des relais d’influence (profils experts), pour gagner en légitimité et en transparence.
Enfin, Chloé s’évertue à incarner les valeurs de sa marque dans toute sa chaîne de valeur. Slow utilise par exemple des sachets biodégradables et recyclables. Chloé sait aussi se montrer humble, et bienveillante. Elle a conscience que sa marque ne peut pas être parfaite et irréprochable, mais cherche des solutions pour le devenir, et partage avec sa communauté ses progrès.
S’il ne fallait retenir qu’un insight de ces échanges avec Chloé, ce serait les bienfaits du franc parler et de l’usage d’un storytelling moderne. Des bonnes pratiques qui sont aussi bien adaptées au monde politique qu’économique.
Pour être entendu, il faut simplifier et structurer son propos. Mais aussi s’employer à être le plus transparent possible. Y compris sur ses échecs et les efforts que l’on doit entreprendre pour faire mûrir une jeune marque. C’est avant tout un bon moyen de se connecter avec son audience à un niveau plus intime et de maintenir la confiance. Un éloge de l’humilité dans la communication, sur lequel les hommes politiques, mais aussi les entrepreneurs, feraient bien de méditer !